ST LAURENT LA BÊTE HYMEN

Qu’on ne s’y trompe pas, la vérité est au-delà de ce qu’on voit dans ses dessins. Réunis comme une mise à mort de la pudibonderie où l’histoire de tous les dangers se côtoient. C’est toujours comme cela une apparition à juste traits . Version contemporaine d’une collection d’estampes, un art sulfureux pour certains et une référence à l’érotisme gay pour les autres.

Chaque nouvelle histoire d’amour et les périodes les plus troublées de la vie du couturier sont là. C’est le moment où son addiction à l’opium est la plus forte, mais, pour moi, il a exprimé dans sa façon de dessiner son mal être. Là où, auparavant, le sexe restait une affaire privée, cela devient maintenant une posture publique et revendicatrice.

Dans une sorte de dévoilement progressif, des images plus intimes de lui sont maintenant montrées au public. Le couturier reste en admirateur et en contemplateur de son ami dormant. Quelle plus belle image de l’intimité que celle qui est donnée par le regard de l’aimant. Beaucoup de dessins et d’images offertes à son amant en toute discrétion, car le « Bergé » avait lancé ses chiens, mais le créateur était trop intelligent pour ne pas penser qu’un jour, après sa mort, ses dessins seraient dévoilés à la face du monde.

Ces dessins ne sont pas seulement des portraits de ses amis, mais plutôt de l’amitié et de l’admiration respectueuse qu’il entretenait avec eux. Ces illustrations ressemblent à l’idée que je me forme du drame grec ; un profil endormi, un calque des veines et des artères de l’émotion, grand corp suspendus sur une route sinueuse qui ne suit pas les fleuves et les montagnes mais une géographie de l’âme.

Yves St Laurent voulait tracer une ligne vivante et ne pas trembler de ce savoir en danger de mort d’un chemin qui, pour lui, était comme une sorte de sommeil de l’abandon. Il laisse sans réserve les sources de sa vie dans la main d’un autre pour un instant, voler un rêve, oublier la pression qui le harcèle de créer sans cesse, et enfin admirer avec sa tête un travail fait par sa main. Comme une victime de la poésie de l’âme et, pour être sûr d’avoir engagé toute sa substance dans son œuvre et de n’avoir rien mis de côté pour vivre avec lui-même, peut être, un jour.

Portraiturer sans préméditation, c’est comme une atmosphère du songe. Tout cela lui paraissait l’évidence même, il entendait l’idiome des lignes, le secret de ses racines, et ainsi pouvoir trouver le langage des étoiles. Au cours d’une promenade un homme musclé qui lui rappelle son ancien favori qui a tout pour plaire, héros décadent et encore une fois ses prunelles closes trahissent les obsessions du maître d’Oran.

Pour ceux qui cherchent le « mâle » partout, les origines du jeune homme ne peuvent évoquer ce que certains appellent le vice d’Alger. Je refuse d’accorder une interprétation, il reste néanmoins assez difficile d’ignorer cette expression du désir éprouvé par notre héros de posséder, et le Petit Prince de la couture réussi à retenir ce désir et cette convoitise devant la virilité qu’il veut interpréter à son image de l’esthétisme, juste pour contredire les rimes de la décadence. Ses dessins sont tactiles, auditifs et intellectuels.  La préférence du couturier dans sa haine profonde de certaines discriminations crie sur sa mine pour effacer son dessein. L’homme est une création du désir, et non pas une création du besoin.

Anonymode

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